
Voilà plusieurs mois que j’ai envie écrire autour de la photographie. J’ai depuis longtemps une passion pour l’image et le regard personnel que chacun pose sur le réel. Boulimique de livres photos, d’écrits sur la photographie, d’expositions, je souhaiterais partager ici avec vous mes inspirations, mes découvertes et réflexions dans cet espace virtuel qui permet des déambulations sans contraintes. Alors par quoi commencer? Après plusieurs hésitations, j’ai décidé de vous parler de Family in the Picture 1958-2013 du photographe américain Lee Friedlander. Ce livre, je l’ai lu des dizaines de fois depuis son achat en 2019 et il ne cesse de m’inspirer. Je crois qu’il est pour moi parfaitement à la croisée de l’intime et du documentaire, avec une poésie née de la simplicité du regard que pose le photographe sur ses proches.

Friedlander a photographié sa famille pendant 55 ans, depuis la rencontre, à 24 ans, avec Maria jusqu’à la mort de cette dernière : on assiste à la naissance des enfants, aux événements joyeux et tragiques de l’existence, on voit vieillir les protagonistes de cette histoire à la fois unique et universelle.
Ce corpus de 375 photographies noir et blanc forme une narration émouvante, où chacune d’entre elles peut être prise indépendamment tout en s’intégrant parfaitement au récit d’une vie.
Les images, très bien construites, semblent pourtant prises sur le vif, dans le quotidien du photographe. Lumière douce qui sculpte les visages et les corps, gestes tendres saisis de façon spontanée…L’émotion et l’attachement sont palpables tout au long de ce recueil qui se lit comme le roman visuel d’une vie. Le photographe s’attache à ces zones grises, ces moments « entre-deux » de la vie qui échappent d’ordinaire aux portraits de famille et qui tissent pourtant le fil de l’existence.
Dans cet ouvrage, on retrouve le regard si reconnaissable de Friedlander, mais on s’éloigne de son travail, marqué d’abord par des paysages urbains et une vision sociale inspirés de Robert Franck et Walker Evans. Ici, il nous offre une chambre intime, sans fards, où chaque situation est laissée à l’interprétation du spectateur-lecteur qui peut lui-même s’y retrouver. Cuisine, salon, salle-à-manger servent de toile de fond aux moments de joie familiale et aux drames intimes.

Ce travail peut faire écho à certains égards au travail plus récent de Julien Magre que je vous invite à découvrir également, notamment Caroline histoire numéro 2 et Je n’ai plus peur du noir (mes préférés). On trouve chez les deux photographes cette même approche intime du réel conjuguée à un composition sans faille qui fait de chaque photographie une oeuvre en soi.
Tout en dévoilant une part d’intime, ils nous invitent tous deux à écrire notre propre histoire, à inventer à partir de l’image.
Family in the Picture 1958-2013, Lee Friedlander, Yale University Press, 2013.




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